Oui, les femmes sont plus incommodées par l’air climatisé

Canada
Santé et sciences

29 Août 2023

6 minutes de lecture
Canicules ou pas, les chaleurs de l’été sont souvent le théâtre de mésententes entre hommes et femmes quant à l’usage de l’air climatisé. Les premiers auraient, prétend-on, davantage tendance à faire baisser la température et les secondes, à maintenir une température ambiante plus chaude. D'après nos vérifications, il est établi que les femmes sont plus souvent insatisfaites de la température ambiante. Et les causes de ce malaise sont multiples.

On en parle depuis longtemps: les débats entre hommes et femmes sur la température optimale à l’intérieur d’un bâtiment faisaient par exemple l’objet d’un article du Toronto Star dès 2009. Le site web Mental Floss, qui se spécialise dans les « réponses aux grandes questions de la vie », se demandait dans un texte publié en 2013 si les femmes et les hommes perçoivent la température de façon différente.

En 2015, une étude réalisée par des chercheurs des Pays-Bas a reçu une importante couverture médiatique (iciiciici) parce qu’elle tentait d’expliquer pourquoi les femmes étaient facilement incommodées par l’air climatisé.

 

Crédits photo : David Dodge / Green Energy Futures / Flickr / CC 2.0

Insatisfaites de la température

Avant cela, des études réalisées en 2007 en Finlande, en 2010 aux États-Unis et en 2013 en Amérique du Nord, ont démontré que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à se dire insatisfaites de la température intérieure. Elles ressentent en effet plus souvent de l’inconfort en raison du froid ou de la chaleur. De plus, elles préfèrent généralement les températures un peu plus élevées.

Selon les chercheurs qui ont étudié les données nord-américaines, 74 % des répondants à leur sondage travaillaient dans des bureaux climatisés. Les auteurs concluent donc que les femmes sont plus sensibles aux conditions environnementales générées par les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation.

Des chercheurs américains ont également analysé 16 791 tweets publiés sur Twitter entre janvier 2010 et décembre 2019, dans lesquels les auteurs se plaignaient du froid dans leur milieu de travail. Les deux tiers de ces messages avaient été écrits par des femmes. Celles-ci avaient aussi plus tendance à se plaindre du froid pendant l’été. En fait, la probabilité que l’auteur d’un de ces tweets soit une femme augmentait avec les températures chaudes.

Pourtant, une étude réalisée par un chercheur d’Atlanta publiée en 2020 a révélé que les hommes et les femmes qui habitent seuls règlent généralement leur thermostat à des températures très similaires. Une conclusion que partage Bjarne W. Olesen, professeur au International Center for Indoor Environment and Energy, de l’Université technique du Danemark. Selon un article qu’il a rédigé en 2015, plusieurs autres études auraient conclu que les hommes et les femmes préfèrent habituellement des températures similaires.

La différence pourrait être que les femmes seraient plus sensibles à un environnement « moins optimal », c’est-à-dire soit très froid, soit très chaud. Dès 1981, une petite étude réalisée aux États-Unis auprès de 31 hommes et 15 femmes avait suggéré que ces dernières avaient tendance à se sentir plus inconfortables lorsque la température ambiante diminuait ou augmentait de façon importante.

Une question de métabolisme?

L’article de 2015 des chercheurs néerlandais, qui avait capté l’attention des médias, proposait que la plus grande sensibilité au froid des femmes s’expliquait par un métabolisme plus bas que celui utilisé pour établir les standards de température dans les bureaux. Selon les auteurs, le métabolisme de base employé pour déterminer la température ambiante idéale correspond à celui d’un homme de 40 ans pesant 70 kg.

Une hypothèse que rejetait le professeur Olesen. Ces standards internationaux de température ambiante seraient plutôt basés sur des études rigoureuses réalisées en laboratoire auprès d’hommes et de femmes. Le scientifique souligne également que l’étude néerlandaise a été menée sur un groupe composé exclusivement de femmes. Elle ne permet donc pas de comparer réellement le métabolisme des femmes à celui des hommes.

Physiologie ou habillement?

Dans un texte portant sur la façon dont les gens perçoivent la qualité de l’environnement intérieur, l’experte en architecture Edeltraud Haselsteiner, du centre URBANITY en Autriche, propose que la sensibilité des femmes au chaud et au froid pourrait s’expliquer en partie par des caractéristiques physiologiques.

Par exemple, la circulation sanguine dans les mains des femmes est moindre quand il fait froid. Les femmes transpirent également moins que les hommes par temps chaud. Par ailleurs, selon les chercheurs californiens et australiens qui ont réalisé l’étude de 2013, les hormones reproductives féminines pourraient affecter la réaction à la température ambiante. Enfin, les femmes ont un pourcentage de gras corporel et un ratio surface-masse différent des hommes, deux facteurs pouvant modifier la perception des températures.

Cependant, plusieurs experts ont suggéré que le phénomène s’expliquerait plutôt par le fait que les femmes sont généralement habillées plus légèrement en été. Selon le professeur Olesen, ce serait pourquoi les femmes préfèrent les températures légèrement plus chaudes à l’intérieur. À cela s’ajoute le fait que ce sont souvent des hommes en veston qui contrôlent le thermostat du bureau.

Trop d’air climatisé

Face à ces arguments, les auteurs de l’étude américaine de 2021 déplorent que ce soient les femmes qui portent le blâme de leur inconfort, que l’on pointe du doigt leur habillement ou leur métabolisme. Aux yeux de ces chercheurs, le problème viendrait plutôt de l’utilisation excessive de la climatisation —une utilisation excessive qui, de plus, pose problème à l’heure où on cherche à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

La sur-utilisation de la climatisation serait d’ailleurs un problème courant dans les bureaux américains. Dans cette étude de 2021, les femmes interrogées mentionnaient que leur principale source d’insatisfaction était le manque de contrôle sur la température ambiante.

Le professeur Olesen cite pour sa part une étude de 2009 selon laquelle la température des bureaux est généralement plus froide pendant l’été que pendant l’hiver. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce problème. Par exemple, certains bâtiments refroidissent trop l’air afin de réduire l’humidité. Certaines personnes ont aussi l’impression que l’air climatisé ne fonctionne pas bien s’il ne fait pas un peu froid.

Verdict

Il est plutôt bien établi que les femmes sont plus souvent insatisfaites de la température ambiante que les hommes, en particulier lorsqu’il fait très chaud ou très froid. Mais les causes de ce malaise restent à déterminer : cela pourrait être dû à la fois à des différences physiologiques, à un habillement plus léger ainsi qu’à la sur-utilisation de l’air climatisé pendant la saison chaude.

Kathleen COUILLARD

Lire l’article original sur Agence Science Pressehttps://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/detecteur-rumeurs/2023/08/29/femmes-plus-incommodees-air-climatise-vrai