Le prétendu communiqué de la CPI qui alourdit le bilan des personnes décédées lors de la manifestation du 30 août, est un faux.

République démocratique du Congo
Institutions | Sécurité et défense

16 Sep 2023

7 minutes de lecture
Un prétendu communiqué de la Cour pénale internationale (CPI) circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux et alourdit le bilan des personnes décédées lors de la manifestation du 30 août. Attention: c’est un document fabriqué.

Un prétendu communiqué de la Cour pénale internationale a été relayé par plusieurs internautes sur les réseaux comme ici et ici. Il indique : « La Cour Pénale Internationale a appris avec consternation le massacre des civils commis à Goma, faisant plus de 163 morts (…). La CPI annonce l’ouverture d’une éventuelle enquête et ouvre un dossier judiciaire sur le régime de Félix Tshisekedi. »

Les faits

Nous sommes allés sur le compte Twitter de la Cour pénale internationale (CPI) version anglaise et française pour authentifier ce communiqué et nous ne l’avons pas retrouvé. La seule publication trouvée sur le compte Twitter version française de la CPI remonte au 4 août. Sur le site Internet de la Cour pénale internationale, aucune information allant dans ce sens n’a été retrouvée, pas plus que ce prétendu communiqué. On y trouve un communiqué daté du 24 août dernier et intitulé « La CPI conclut l’audience de la confirmation des charges dans l’affaire Mokom ». Le tout dernier communiqué de presse date du 7 septembre et est consacré à la Hongrie : « La Hongrie verse une contribution volontaire au Fonds au profit des victimes de la Cour pénale internationale ».

Des indices qui prouvent que ce document est truqué

En observant ce prétendu communiqué de la CPI, nous avons trouvé plusieurs indices qui attestent que ce document est faux. Nous avons remarqué qu’il y a un espace entre la dernière lettre du dernier mot du deuxième paragraphe et le signe point.

De plus, la date de la signature de ce prétendu communiqué de la Cour pénale internationale et l’événement faisant l’objet de ce document sont incohérents. Les tueries des civils lors de la manifestation de la secte mystico-religieuse Wazalendo contre la Monusco à Goma dans le Nord-Kivu ont eu lieu le 30 août alors que ce prétendu communiqué révélant le nombre de morts de ce même événement est signé au 4 août soit 26 jours avant.

Un média de vérification des faits congolais au nom de Lokutamabe affirme avoir contacté les services de la CPI qui confirment ne pas avoir émis un communiqué relatif à la manifestation anti-Monusco du 30 août à Goma organisée par la secte mystico-religieuse Wazalendo.

Les chiffres sur les tueries des civils à Goma le 30 août

Pour vérifier le nombre de morts mentionné dans ce prétendu communiqué, nous avons consulté les médias en ligne congolais.

Sur le site de actualite.cd, nous avons trouvé un article publié le 7 septembre 2023 qui rapporte le bilan officiel du gouvernement, soit 51 morts au lieu de 43 comme indiqué dans un premier temps. Le même bilan est repris par plusieurs autres médias en ligne congolais comme ici et ici.

« Concernant le bilan le jour où nous avons quitté Goma (Mardi), on avait dénombré 51 décès. Il y a également des gens qui sont hospitalisés, donc la situation peut se détériorer à tout moment, raison pour laquelle le gouvernement a décidé de suivre les soins de toutes ces personnes blessées”, a expliqué Peter Kazadi, Vice-premier ministre de l’intérieur lors d’un briefing avec la presse tenu mercredi 7 septembre 2023, cité par actualite.cd.

Comment la CPI déclenche-t-elle une enquête judiciaire ?

Sur le site de la Cour pénale internationale, nous avons fait des recherches pour connaître la procédure suivie par la Cour pour déclencher une enquête judiciaire.

Cette institution précise qu’en vertu de l’article 13 du Statut de Rome, il existe trois manières de déclencher l’exercice de la compétence de la Cour quand des crimes relevant de la compétence de la Cour semblent avoir été commis :

  1. Tout État partie au Statut de Rome peut demander au Procureur de mener une enquête. Ce fut le cas de la République Démocratique du Congo , de l’Ouganda , de la République Centrafricaine à deux reprises et du Mali ;
  2. Le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU) peut également renvoyer une situation au Procureur. Jusqu’à présent, cette possibilité s’est concrétisée dans le cas du Darfour et de la Libye. Les renvois du CSNU peuvent également donner à la Cour compétence sur les États non parties au Statut de Rome ;
  3. Enfin, le Procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative après autorisation des juges ; ce fut le cas du Kenya, de la Côte d’Ivoire, de la Géorgie et du Bangladesh/Myanmar. Le Procureur ne peut pas, de sa propre initiative, ouvrir une enquête concernant des États non parties au Statut de Rome, sauf si l’affaire implique des ressortissants d’États parties qui seraient impliqués dans la commission de crimes visés par le Statut de Rome sur le territoire de l’État non partie en question.
  4. Exceptionnellement, les États peuvent accepter la compétence sur une base ad hoc , en soumettant une déclaration conformément à l’article 12(3) du Statut de Rome.
Quels sont les crimes relevant de la compétence de la CPI ?

Sur le même site de la Cour pénale internationale, nous avons trouvé un lien qui ramène vers la page « À propos de la Cour » et nous avons cliqué sur le lien « Comment fonctionne la Cour ». Nous avons ensuite trouvé les crimes entrant dans la compétence de la Cour pénale internationale. Il s’agit de :

  1. Le crime de génocide se caractérise par l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux en tuant ses membres ou par d’autres moyens : en causant de graves dommages corporels ou mentaux aux membres du groupe ; soumettre délibérément le groupe à des conditions d’existence susceptibles d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; imposer des mesures destinées à empêcher les naissances au sein du groupe ; ou transférer de force les enfants du groupe vers un autre groupe.
  2. La CPI peut poursuivre les crimes contre l’humanité, qui constituent des violations graves commises dans le cadre d’une attaque à grande échelle contre une population civile. Les 15 formes de crimes contre l’humanité énumérées dans le Statut de Rome comprennent des infractions telles que le meurtre, le viol, l’emprisonnement, les disparitions forcées, l’esclavage – en particulier des femmes et des enfants, l’esclavage sexuel, la torture, l’apartheid et la déportation.
  3. Les crimes de guerre qui constituent de graves violations des conventions de Genève dans le contexte d’un conflit armé et comprennent, par exemple, l’utilisation d’enfants soldats ; le meurtre ou la torture de personnes telles que des civils ou des prisonniers de guerre ; diriger intentionnellement des attaques contre des hôpitaux, des monuments historiques ou des bâtiments dédiés à la religion, à l’éducation, à l’art, à la science ou à des fins caritatives.
  4. Le crime d’ agression. Il s’agit du recours à la force armée par un État contre la souveraineté, l’intégrité ou l’indépendance d’un autre État. La définition de ce crime a été adoptée en modifiant le Statut de Rome lors de la première Conférence de révision du Statut à Kampala, en Ouganda, en 2010.

Pour conclure, le document diffusé sur les réseaux sociaux et évoquant 163 morts lors de la manifestation du 30 août est bien un faux.

La rédaction

Lire l’article original sur Balobaki Checkhttps://balobakicheck.com/un-pretendu-communique-de-la-cour-penale-internationale-alourdit-le-bilan-des-personnes-mortes-lors-dune-manifestation-en-rdc/