Non, les navires propulsés au GNL ne permettent pas de réduire les émissions de CO2

France
Environnement

26 Oct 2023

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Dans un tweet du 12 octobre 2023, le premier adjoint à la mairie du Havre saluait la venue dans sa ville d’un bateau de croisière propulsé au GNL, carburant selon lui plus respectueux de l’environnement. Ce n’est pas l’avis de plusieurs rapports qui dénoncent son impact environnemental.

Sorti des chantiers navals de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) en juin 2022 puis mis en service en juin dernier, le MSC Euribia, nouveau navire de MSC Croisières, entamait une série d’escales inaugurales dans les villes côtières françaises. Le 12 octobre dernier, l’impressionnant bâtiment de plaisance, long de 331 mètres et haut de 65 mètres, mouillait dans le port du Havre.

L’ancien maire du Havre Jean-Baptiste Gastinne, désormais redevenu premier adjoint depuis le retour d’Édouard Philippe en Normandie, se félicitait sur X (anciennement Twitter) de la venue ce nouveau mastodonte mécanique marin qui tourne au gaz naturel liquéfié (GNL). Dans un tweet, vu par près de 6 000 personnes le 26 octobre, il écrit « Escale inaugurale du MSC Euribia, construit à Saint Nazaire, dernier né de la série du MSC  baptisé au Havre en 2017. Un navire motorisé au GNL pour réduire les émissions de CO2 et respecter la qualité de l’air de la ville hôte, Le Havre ». Avec sa coque ornée d’animaux marins et le slogan #SavetheSea peint sur ses flancs, le MSC Euribia est l’étendard de l’entreprise qui veut se donner une image plus verte.

Qu’en-est-il vraiment ? Le GNL est-il le carburant propre qu’on prétend ?

C’est en tout cas l’avis du plus grand groupe pétrolier au monde, Total Énergies, qui présente sur son site internet le combustible comme une « énergie de transition ». L’entreprise indique même que « la réduction des émissions de CO2 est de 30% en utilisant du GNL plutôt que du fioul lourd ». Une aubaine donc pour les bateaux de croisières, souvent pointés du doigt pour leur impact écologique. Les constructeurs misent désormais sur ce carburant pour limiter leurs émissions. Le premier navire de croisière propulsé au GNL construit en France a été mis en service il y a un peu plus d’un an. MSC vante même sur son site ses « voyages zéro émission ».

Impacts environnementaux sous-évalués

Pourtant, plusieurs rapports dénoncent cette présentation du gaz naturel liquéfié comme une énergie durable, qui permettrait de réduire véritablement l’empreinte carbone de ce type de navire.

Contacté à ce propos, Jean-Baptiste Gastinne n’a pas donné suite à nos sollicitations.

En ce qui concerne la pollution de l’air, l’ONG européenne Transport and Environment, précise dans un rapport de mai 2023 que « si le GNL peut avoir un impact positif sur la qualité de l’air, il aggrave souvent les problèmes climatiques en raison des fuites de méthane liées à son utilisation ». Pour rappel, le méthane fait partie des gaz à effet de serre les plus puissants.

Les émissions de CO2 du GNL sont essentiellement liées à son extraction et son transport. Comme carburant, il est souvent considéré comme moins émetteur que d’autres combustibles. Néanmoins, la différence semble assez ténue. Pour l’ingénieur Guillaume Martin, spécialiste des énergies, membre du cabinet de conseil indépendant BL Évolution, le GNL « à énergie constante, produit 5% de gaz à effet de serre de moins : 3,5 kgCO2/kg contre 3,65 kgCO2/kg pour le fioul ». Une différence très faible et bien loin des 30 % annoncés par Total Énergies.

Carbone 4, cabinet de conseil créé par l’économiste Alain Grandjean et l’ingénieur Jean-Marc Jancovici, spécialistes des questions climatiques, a publié une étude en juin 2023, qui détaille l’impact environnemental de l’utilisation du GNL. Son auteur, Alexandre Jolly, y indique que le GNL « se compose essentiellement de gaz de schiste, dont l’exploitation est interdite en France depuis 2011 ». Il ajoute qu’« extraire du gaz de schiste émet deux à trois fois plus de gaz à effet de serre que l’extraction du gaz conventionnel ». Par ailleurs, le rapport précise que le transport, par cargo et non plus via des gazoducs comme par le passé avec le gaz russe, est un facteur supplémentaire qui fait grimper l’empreinte carbone du GNL.

S’il est plus respectueux de la qualité de l’air que l’on respire, le GNL ne permettrait pas réellement de réduire les émissions de CO2, contrairement à ce qu’affirme Jean-Baptiste Gastinne. Entre son extraction, son transport et son utilisation comme combustible, son empreinte carbone pourrait même être supérieure aux carburants traditionnels.

 

Dorian GALLAIS