Les informations apportées par les médias sont de plus en plus remises en question en France, particulièrement chez les jeunes. Pour lutter contre ce phénomène, le collectif Dysturb intervient dans des classes afin de donner aux élèves les clés pour vérifier et comprendre les informations.
« On est photojournalistes. Est-ce-que vous savez ce qu’est ce métier ? », demande Benjamin Girette aux élèves du Bac pro photographie du lycée Victor Laloux de Tours. En réponse, un long silence. Puis, « c’est quelqu’un qui fait des photos pour des journaux », finit par proposer, timidement, une élève.
Benjamin Girette, Pierre Morel et Matthieu Rondel, tous photojournalistes, ne sont pas étonnés par cette hésitation : « Même si on voit nos noms un peu partout dans les journaux, les gens ne savent pas qui on est et comment on travaille », explique Benjamin Girette. Ils se lancent alors à tour de rôle dans l’explication de leur métier. Pour Pierre Morel par exemple, le photojournalisme, c’est travailler sur la réalité : « On a une mission d’information et de captation de la réalité.
Du côté des élèves, panne sèche également sur l’actualité. A Tours, sur la vingtaine d’élèves présent dans la classe, un seul est abonné à un titre de presse, trois suivent les informations avec BFMTV et Itélé. La plupart des autres se renseignent sur les réseaux sociaux.
Le collectif Dysturb a réalisé plusieurs fois ce type d’intervention dans des établissements scolaires et il constate souvent ce défaut d’information chez les jeunes. Résultat : « Un jour, dans une classe, seuls trois élèves ont levé la main quand on leur a demandé s’ils savaient ce qu’est Ebola. Et les trois pensaient qu’il s’agissait d’un nouveau joueur du PSG », raconte Benjamin Girette.
A Tours cependant, une question obtient une réponse unanime : « Est-ce-que vous pensez que la presse en France est censurée ? » Sans hésitation, c’est oui. Les photojournalistes s’appliquent alors à expliquer pourquoi certains sujets sont choisis et d’autres non, le fonctionnement d’une rédaction, le principe de ligne éditoriale. Molly Benn, chargée de la communauté francophone sur Instagram, éclaircit la notion d’angle dans un article à l’aide d’un schéma au tableau.
Le principal but de la méthode Dysturb : interpeller les jeunes sur l’actualité. Et pour être plus efficaces, les photojournalistes laissent une trace de leur passage. En 4 mètres par 2,30, ils accrochent une photo de Ale Cegarra à Cuba. On y voit, en noir et blanc, un jeune homme assis sur son lit, la tête dans les mains. La légende explique la situation : “Abel est assis dans sa maison après avoir reçu de nombreuses insultes en raison de son homosexualité.”
UNE TRANSMISSION CRUCIALE
Pour les professeurs, cette intervention est primordiale. « Le photojournalisme est un domaine opaque vu de l’extérieur, cela a donc plus d’impact lorsque ce sont les professionnels qui viennent s’adresser aux élèves », explique Philippe Lévêque.
Ils leur donnent aussi les outils pour se lancer dans le métier, notamment Instagram : « il s’agit d’un outil dont on va de plus en plus se servir, explique Benjamin Girette. C’est un peu la Bible pour nous. » Bastien, 16 ans, écoute attentivement. La plupart de ses camarades veulent travailler dans la mode. Lui, est attiré par le photojournalisme. Pendant les vacances de février, il est parti trois jours dans le camp de réfugiés de Calais avec un photographe de Reuters.
Le collectif veut aller plus loin en créant une plateforme à laquelle les établissements scolaires pourront s’abonner et sur laquelle ils auront à leur disposition des sujets à destination des écoles. Cinq photos seront proposées chaque mois et, en un clic, ils pourront commander une photo du collectif qu’ils recevront dans les 48 heures. Ils recevront également un dossier pédagogique avec des miniatures de la photo et un quizz sur l’actualité associée.
Noémie LAIR et Aimie FACONNIER