Les prépas aux écoles de journalisme tentent de renforcer la diversité au sein des promos des grandes écoles.
Des classes qui ont pour ambition de gommer les inégalités sociales, renouveler la diversité dans les écoles et dans les rédactions. Aujourd’hui, il existe près d’une vingtaine de formations de ce genre : les prépas aux écoles de journalisme. Accessible en formation continue, à distance, gratuites ou payantes (jusqu’à 6 000 euros), elles aident les jeunes à passer les portes blindées des grandes écoles.
« Les prépas qui, comme nous, ont pour ambition de rétablir l’égalité sociale ne peuvent pas avoir de pré-requis trop importants. » Pour Pierre Savary, directeur de l’École supérieure de journalisme (ESJ) de Lille, le rôle de son école est clair. Pour y arriver, l’ESJ possède sa propre prépa Égalité des chances. Un groupe d’une vingtaine de jeunes, tous boursiers, triés sur le volet, qui pourraient intégrer la meilleure école de journalisme de France. Pour sélectionner les meilleurs parmi les quelques trois cents candidatures reçues chaque année, les quatre membres du jury examinent chaque dossier scolaire, un par un, avant d’en convoquer une cinquantaine pour un oral. Pierre Savary est fier de son recrutement. « Nous n’avons pas de quotas fixés, ni de volonté écrite d’aller vers la parité. Chaque année, il y a toujours plus de candidatures de femmes que d’hommes, donc cela se retrouve au final. » Cette année ils sont sept hommes et treize femmes.
Le même constat est fait par Dan Israel, journaliste à Mediapart. Il est l’un des gestionnaires des candidatures à La chance aux concours, une classe créée par l’Association des anciens du Centre de formation des journalistes (CFJ) de Paris. « En général, on reçoit quatre candidatures pour une place. » Chez eux, le but est de multiplier les points de vues au sein de la promo. « Quand les profils sont trop semblables dans les rédactions, on rate des choses. On ne trouve pas certains sujets car on ne les connaît pas. » À La chance aux concours, le recrutement se fait presque exclusivement sur la motivation. « On ne regarde pas les dossiers scolaires. On estime que quelqu’un qui a des bons résultats n’a pas besoin de nous pour rentrer dans une école. »
Le bilan dressé par les deux organismes est semblable. Leurs classes sont des exemples de diversité. Mais côté élève, l’impression est-elle la même ?
« Il reste encore un effort à faire »
Delphine est en bac+2. Elle est entrée à l’Académie de l’ESJ directement après son bac littéraire. L’Académie complète une formation. Il faut s’inscrire dans une licence, puis postuler à cette prépa. Pour y entrer, ce sont autant les notes du bac que la motivation qui compte. « On nous pose également des questions sur nos activités extra-scolaires, ce que l’on aimait faire et si nous avons déjà eu des expériences dans le journalisme. » Selon la jeune femme, c’est une excellente expérience. Pourtant, elle tempère ses propos dès que l’on parle de diversité. « Je ne trouve pas qu’il y ait une si grande diversité notamment au niveau de l’origine sociale des candidats. Ils viennent en majorité de famille aisées. Même si le métissage de la promo est diversifiée, il reste encore un effort à faire. Du coup je ne sais pas si on peut parler de « prépa égalité des chances” ».
Dans la classe de Lola, étudiante à l’école W, créée par le Centre de formation des journalistes de Paris, la diversité est grande.
« Les élèves viennent de lieux, d’environnement et de milieux sociaux extrêmement variés. Cependant, je ne pense pas que ces classes devraient être uniquement pour les personnes en grande précarité. Certaines personnes de la classe moyenne ont aussi des difficultés à financer leurs études. Rien n’est pensé pour cette tranche de la société. »
Malik, lui, est passé par la prépa Égalité des chances. Il est depuis devenu journaliste à TV5 Monde. Avec plus de recul sur ce genre de cursus, il pense qu’il en faut plus pour changer le métier en profondeur. « La diversité dans les rédactions passe par ces prépas mais cela ne se fera qu’à la marge. Avant d’accéder à ces prépas, il y a une autocensure de la part des étudiants. Ce sont avant tout les médias qui doivent cesser de discriminer certaines catégories de personnes et mener un travail en profondeur sur l’éducation aux médias afin d’empêcher cette autocensure. »
Vouloir une diversité représentative de la population française dans les prépas est louable. Mais dans les faits, il est difficile d’atteindre ce but. Les directions d’écoles ne sont pas forcément fautives. La faute peut revenir aux médias qui ne sont pas représentatifs de la diversité. Ce qui peut contraindre les étudiants de milieux sous-représentés à s’autocensurer.
Manon Brethonnet, Malvina Raud et Hugo Vallas.