Les atouts et les profils varient d’une formation à une autre. Photo : Malvina Raud.
Puisque le journaliste est régulièrement remis en cause, la question de la formation devient primordiale. De multiples options existent : les écoles de journalisme, reconnues ou non, ou des parcours divers. Des journalistes et rédacteurs en chefs nous donnent leur avis.
« L’école n’est pas une garantie de talent mais de savoir-faire technique. » C’est l’approche d’Armel Le Ny, rédacteur en chef de Charente Libre, sur la qualité des formations en journalisme. Alors comment devenir journaliste ? Qui peut devenir journaliste ? Aujourd’hui, plus de 80 formations préparent au métier. Seulement quatorze d’entre-elles sont reconnues par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes (CPNEJ) et donc par la profession. Très sélectifs, ils n’envoient que quelques poignées d’étudiants sur le marché du travail chaque année.
Un statut favorisé
Les écoles de journalisme reconnues par la Commission nationale paritaire de l’emploi des journalistes jouissent aujourd’hui d’un statut favorisé auprès de la profession. De fait, dans les rédactions, les avis sont plutôt positifs. Pour Armel Le Ny : « Les écoles reconnues occupent une place importante dans le processus de recrutement. Elles permettent aux étudiants d’acquérir une bonne maîtrise des outils et de la technique journalistique. Personnellement, je donne la priorité aux étudiants qui sortent d’écoles reconnues pour les stages et les CDD ».
« Cependant, l’école ne fait pas tout. Vous pouvez avoir tous les diplômes qu’il faut et ne pas être un bon journaliste », nuance Patrick Boitet. Une critique récurrente portée par les journalistes qui accusent la standardisation des profils en école de journalisme. « Les écoles fournissent des profils très ressemblants, souligne Philippe Antoine. Autre critique, l’aspect trop technique des formations proposées : « Les écoles forment trop de techniciens de l’information et pas assez de passionnés », estime Armel Le Ny.
Si les écoles reconnues profitent de leur réputation, elles ne constituent pas le gros des rangs de la profession. Parmi les 1 549 cartes de presse en première demande délivrées par la CCIJP (Commission de la carte d’Identité des Journalistes Professionnels) en 2016, 19,6 % seulement ont été données à des journalistes passés par l’un des 14 cursus reconnus. Pour les 80 % restant, plusieurs parcours possibles : les cursus non reconnus, des formations non journalistiques, voire même l’apprentissage sur le tas. Emmanuel Sarre, JRI à TF1, s’est formé sur le terrain. Il assure que ce « modèle » de jeunes reporters apporte « une autre fraîcheur, une autre vision, de par son originalité et sa différence ».
De plus en plus d’écoles
Les rédactions sont également à la recherche de talents aux profils atypiques. « J’ai déjà embauché des gens qui n’avaient pas fait d’études de journalisme, témoigne Patrick Boitet. Et même des gens qui n’avaient jamais fait de télé avant. Mais ils avaient la connaissance d’un milieu, d’un terrain, il y avait la possibilité de tirer quelque chose d’intéressant de leur expérience. » Emmanuel Sarre tire les mêmes conclusions. Pour lui, même si certains jeunes n’ont pas le bagage nécessaire à l’entrée en rédaction, « leur énergie et leur envie les mettent à égalité avec d’autres profils ».
Néanmoins, pour Bertrand Thomas, directeur de l’Ecole de journalisme de Toulouse (reconnue par la profession), « il y a de moins en moins de place pour l’apprentissage sur le tas. Connaître les outils multimédia est impossible sans école. » Depuis une vingtaine d’années, l’offre de formations de journalisme a explosé. De nombreuses écoles sont nées et cherchent à être reconnues. Le nombre d’écoles reconnues a lui aussi augmenté. C’est par exemple le cas de l’IUT de Lannion, reconnu en 2004 et de l’Ecole de journalisme de Cannes, reconnue il y a 5 ans.
Une forte concurrence entre les formations
Les écoles non reconnues constituent une alternative aux formations classiques. Elles sont décriées par une partie de la profession. De son côté, Bertrand Thomas se dit « surpris par la présence de ces formations qui coûtent si cher, qui ne misent que sur le business, quitte à confondre journalisme et communication ».
Les étudiants de cursus non reconnus ne peinent pas à trouver un stage dans les groupes de presse. C’est un problème soulevé par Steeve Morel, le responsable des admissions à l’IICP Paris, une école de journalisme et de communication non reconnue. Même si les rédactions « accordent plus de crédit aux étudiants des cursus reconnus, à la sortie c’est la même chose pour tout le monde, tout dépend du réseau ».
Les écoles non reconnues tentent de se démarquer en proposant des formations différentes, notamment à travers l’alternance. « L’alternance permet d’avoir des profils un peu différents, aux parcours moins standardisés, et plus de diversité sociale», affirme Benoît Califano, directeur de l’ESJ Pro Montpellier. Néanmoins, si le bagage technique journalistique est de plus en plus demandé, les profils originaux attirent toujours les entreprises de presse, intéressées par leur valeur ajoutée. Pour Claude Cordier, de la CCIJP : « La diversification des profils des journalistes est une richesse, c’est tant mieux ! »
Clément Argoud, Clément Buzalka et Hugo Vallas