Jean-Marie Charon, sociologue des médias, a présenté le baromètre social des Assises du journalisme. Photo : Clara Gaillot
Retrouvez l’essentiel de la « Présentation du baromètre social 2018 des Assises du journalisme »
Animé par Jean-Marie Charon, sociologue.
LES ENJEUX
Jean-Marie Charon a présenté ses chiffres et ses analyses sur le journalisme. Il a notamment pointé la précarisation de la profession qui touche davantage les femmes. En France, il y a 19 000 pigistes, dont 53 % de femmes. Pour contourner le statut de pigiste, les journalistes s’orientent vers d’autres voies : certains créent leurs médias, d’autres touchent une grande partie de leurs revenus grâce à leurs ventes de livres. Il y a aussi ceux qui sont rémunérés en tant qu’intermittents du spectacle (des personnes qui travaillent pour des entités non reconnues comme entreprises de presse, NDLR) et les correspondants de presse. Le sociologue a aussi dressé un constat des plans sociaux, dans les milieux de la presse écrite et de l’audiovisuel. D’après ses évaluations, la presse quotidienne régionale et la presse magazine sont les plus touchées par les plans sociaux.
CE QU’IL A DIT
Jean-Marie Charon : « Les chiffres du baromètre social cette année paraissent meilleurs que l’année dernière. Il y a tout de même une diminution du nombre d’attribution de carte de presse, avec environ 35 000 cartes délivrées cette année. Il y a une étude du ministère de la Culture qui montre que de 2003 à 2015, c’est tout le monde de la culture qui a été en difficulté. Il ne pèse plus que 2,3% du PIB aujourd’hui. Si l’on rentre davantage dans les chiffres, c’est d’abord la question de la féminisation de la profession qui est importante. Aujourd’hui, on est à 46,88% de femmes qui ont la carte de presse et elles ont été près de 53% à intégrer le journalisme cette année. Par contre, elles sont 53% à exercer le métier de pigiste et seulement 19% à exercer celui de directrice. Au sujet de la précarité, on considère aujourd’hui qu’un quart des journalistes sont précaires (22,2%). Ce chiffre continue de progresser.
La Presse quotidienne nationale (PQR), qui avait été touchée par les plans sociaux, n’apparaît plus dans la presse en difficulté. Cette amélioration, la Presse quotidienne régionale (PQR) n’en bénéficie pas. Les plans sociaux continuent à La Voix du Nord et, plus inquiétant encore, la situation de La Marseillaise. On s’interroge sur la possibilité de survie de ce titre avec un plan de départs qui serait assez conséquent. La presse magazine, et plus particulièrement les news magazines, qui pourtant étaient moins touchés par les plans sociaux, y sont confrontés cette année. Les plans de départ se multiplient chez Marianne ou L’Obs et il ne faut pas non plus oublier que les Inrockuptibles et Cosette sont aussi touchés par de grandes fragilités. Dans l’audiovisuel, on a en tête les consignes de France Télévisions et Radio France sur la fusion des moyens mais pour le moment, on ne voit pas de conséquences. C’est du côté d’Euronews que les plans de départ ont été les plus importants.
De plus, on remarque une évolution pas très optimiste que j’ai appelé le phénomène des « départs des trentenaires ». D’après ce que nous disent les syndicalistes qui travaillent sur les plans sociaux avec les employeurs, ce sont les trentenaires qui sont les plus touchés. Et ce qui est inquiétant, c’est qu’ils quittent définitivement le journalisme ensuite. Ce phénomène d’usure motive les départs prématurés d’une profession qui a déçu. C’est souvent lié aux emplois dans les desk web. Du côté des jeunes, il y en a un certain nombre qui préfère prendre le risque de créer leur propre média pour ne pas rejoindre les grandes rédactions traditionnelles, à cause des postes qu’on leur propose. »
À RETENIR
Jean-Marie Charon regrette de ne pas avoir pu collecter des données très précises sur tous les aspects sociologiques de la profession, alors même qu’elle connaît de profondes évolutions. « Au point où nous en sommes, il serait temps de passer la main à l’administration pour qu’elle pousse les collecteurs de statistiques à nous fournir des chiffres plus fiables », a-t-il affirmé. Ce baromètre social insiste sur la question de la précarité des journalistes (plans sociaux, nombre de pigistes en baisse mais toujours nombreux, baisse du nombre de cartes professionnelles etc.). Une question d’autant plus essentielle que le journalisme se voit bouleversé par l’explosion du web et des réseaux sociaux.
Tiffany Fillon et Valériane Gouban