Chaque année au mois d’octobre, plusieurs actions sont menées dans le but de sensibiliser le grand public et surtout les femmes sur le cancer du sein, ses méfaits et sur l’importance du dépistage précoce. Certaines associations profitent de cette campagne de sensibilisation nommée Octobre rose pour collecter des fonds destinés à la recherche.
Des personnes à la notoriété plus ou moins établie ont été mises à contribution pour passer des messages de sensibilisation. Parmi les publications, un flyer a été abondamment partagé à travers les groupes WhatsApp, sur Facebook et même sur Twitter. À l’instar du post d’une influenceuse congolaise qui a réuni plus d’un millier de réactions en trois jours sur Twitter.
L’affiche devenue virale est issue de la campagne digitale menée par le Lions club Cotonou Septuor depuis le début du mois, dans le cadre d’Octobre rose. Nous avons d’ailleurs retrouvé sur leur page Facebook des affiches d’autres personnalités avec des messages similaires.
Contacté à plusieurs reprises sur Messenger, le Lions club Cotonou Septuor ne s’est pas prononcé sur le sujet. Selon Osnia Gbankoto, journaliste béninoise et présidente adjointe de l’organisation Women in Global Health Benin, que nous avons contactée, ces affiches seraient issues d’un « scandale interne à l’organisation, d’une volonté d’innover par la blague du comité jeune du Lions club, que les aînés auraient réprimandé ».
L’avis des experts
La professeure Esther Meka, vice-rectrice de l’Université de Yaoundé, cheffe du service d’oncologie gynécologique et pédiatrique de l’hôpital gynéco-obstétrique et pédiatrique de Yaoundé et présidente de la Société camerounaise de sénologie et de pathologies mammaires est catégorique : « Cette assertion est fausse. Il ne faut pas la confondre avec l’allaitement maternel qui réduit de manière significative le risque de cancer du sein. Et plus le nombre de mois d’allaitement augmente, plus le risque d’être atteinte d’un cancer du sein diminue. »
En effet, selon la Ligue contre le cancer, l’allaitement favorise la réduction du risque de cancer même si le mécanisme de l’effet protecteur de l’allaitement n’est pas bien connu. « Les effets bénéfiques peuvent s’expliquer par des modifications de la structure des seins et une exposition réduite aux hormones au cours de la vie chez la mère, explique la professeure Esther Meka. Par contre, dans le cadre des préliminaires, la palpation des seins par un tiers peut révéler une anomalie. »
Le docteur Anthony Mbarga, gynécologue obstétricien en service à l’hôpital de district d’Efoulan, renchérit en disant que le contenu de cette affiche est faux. « Les arguments sont simples. La succion qui entraîne la maturité des seins est celle de l’enfant. Généralement, les seins d’une femme n’atteignent leur maturité qu’après l’allaitement. Ainsi, ce n’est pas la succion proprement dite mais l’allaitement qui protège. Le sein non mature, qui est en cours de changement, est plus à risque de développer le cancer du sein que le sein qui a déjà atteint sa maturité. »
Il précise également que : « L’allaitement est un facteur protecteur mais qui n’épargne pas les femmes du cancer du sein. La seule arme que nous avons en notre possession pour le moment est le dépistage, et la méthode la moins chère est l’autopalpation. »
Ce que dit la littérature scientifique
Dans la littérature scientifique, en utilisant les moteurs de recherche tels que Google Scholar ou Pubmed, nous n’avons pas retrouvé d’article démontrant que la succion du partenaire est un facteur protecteur contre le cancer du sein. Selon l’Organisation mondiale de la santé, l’allaitement maternel diminue le risque pour les mères de développer le cancer du sein, mais pas seulement. Cela les met également à l’abri d’autres pathologies telles que le cancer des ovaires, le diabète de type 2 et une cardiopathie. On estime qu’une augmentation de l’allaitement maternel permettrait chaque année d’éviter 20 000 décès maternels dus au cancer du sein. La Fondation contre le cancer va également dans ce sens en précisant que les femmes qui allaitent leur bébé pendant une période prolongée ont moins de risque que les femmes qui n’allaitent pas.
Aucune étude ne prouve donc que la succion des seins par le partenaire protège du cancer du sein. Par contre, l’allaitement maternel réduit considérablement le risque. Il est recommandé de faire un auto-examen mensuel des seins pour dépister précocement le cancer du sein mais également un examen clinique par un professionnel de santé dont la fréquence varie en fonction de l’âge.
Hemes NKWA
Lire l’article original sur DataCameroon : https://datacameroon.com/cancer-du-sein-la-succion-du-partenaire-ne-protege-pas/